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Prose, récits ....


La voleuse

La voleuse (1)

 

 

 

Elle est partie comme une voleuse ...sur la pointe des pieds.

Dehors le temps était gris et lourd, le ciel était triste,

Et les rues vides.

Elle est partie, avant qu'il ne se réveille,

Avant qu'elle ne puisse à nouveau croiser son regard,

Avant que tous ses mots ne lui reviennent en pleine figure,

Alors qu'il la regarderait...

Oublieux des dernières lacérations qu'il avait infligées à son cœur,

Cette nuit. La dernière.

Elle est partie, comme un automate,

Cherchant la sortie,

La tête emplie de ces phrases assassines.

Et le corps encor chaud de sa chaleur à lui,

De son odeur à lui ...

 

Avant, elle s'était allongée près de lui,  il dormait.

 

Doucement elle avait caressé, effleuré sa peau, tout son territoire.

Elle avait pris ses cheveux dans ses mains,

Comme elle le faisait depuis toujours

Depuis qu'ils s'endormaient ensemble,

Corps contre corps,

Emboités dans une harmonie parfaite,

Et que sa main se retrouvait là, dans ses mèches folles,

 Et qu'elle en prenait possession, comme pour se rassurer ...encore.

Elle s'était allongée;

Les larmes, elles, ruisselaient depuis des heures, en sourdine.

Elle l'avait embrassé doucement,

 Avait posé une dernière fois sa bouche sur son dos, sur sa main,

Dans son cou...

Le sommeil ne l'empêchait pas de la sentir,

Il gémissait à chaque baiser volé.

 

Elle lui avait murmuré les mots sacrés, les mots miracles,

Ceux qu'elle découvrait depuis si peu,

 Et qu'il lui était si doux, si libérateur de prononcer ! Quelle ironie...

 

Elle avait déposé consciencieusement sur l'étagère de verre la bague,

 Celle qu'il lui avait offerte  au cours de leur périple africain,

Celle qui lui allait si bien,

Celle qui lui rappelait qu'un jour il l'avait aimée...

Un jour ...un instant peut-être.

 

Elle avait regardé les lieux, connus,

Reconnu sa trace à elle, sur les murs, sur les meubles,

Pris un bouquin au hasard, un qu'elle avait oublié là,

 Lu quelques phrases...

Avait eu envie de lui écrire quelques mots.

Sur son petit tableau blanc, toujours si impeccablement blanc.

Envie d'écrire :

"Prends soin de toi. Tu es en train de te détruire.

Je t'en supplie.

N'oublie jamais que tu es un Homme....un Père.

Tu vaux mille fois mieux que ça ..."

 

Elle ne l'avait pas fait.

Tous ses mots jusque là étaient restés inutiles ....

 

Et puis...

Avant que le cri ne sorte,

Avant que ne vienne le hurlement ...elle était partie ...

 

Bizarre ...il avait du le sentir toute la nuit ...

A chaque tentative il la ramenait vers lui.

La serrait contre lui.

Il semblait dire : ne pars pas ...pas encore ...

 

Malgré les "on arrête tout", "je t'ai assez vue ! "

 

Il semblait vouloir la garder encore un peu...

 La nuit ça n'engage à rien ...

La nuit, ce n’est pas la vraie vie !

 

Et puis ...elle est partie ...Enfin.

Pour ne pas prolonger le supplice.

Pour vivre sa peine.

Pour vomir sa douleur ...

 

Comme une voleuse ...

 

 

 

 

 


 

La voleuse  (2)

 

"Mais ne crois pas que je ne t'aime plus"

Avaient été ses mots, plus tard...

Et elle s'était reprise à  espérer... 

Elle ne comprenait pas...elle ne comprenait plus, à vrai dire ...

Cette froideur qu'elle ne lui avait jamais connue,

Cette ironie toujours blessante,

Ce manque de gestes,

Ce manque de mots,

Ce manque de caresses ...

Où était-il, celui qui avait su si bien la séduire,

Celui pour qui elle était tout !

Devait-elle payer pour sa franchise,

Pour son mal-être d'antan,

Pour son infidélité avouée ?

Devait-elle souffrir comme elle avait fait souffrir.

Etait- ce le prix du bonheur ?

 

Faible est la femme qui aime ...

 

Et le soir, parfois, elle se disait qu'il serait là, à l'attendre...

Qu'il aurait fait enfin un pas...Vers elle, vers eux...

Eux...si inexistants désormais !

Elle se disait peut-être, ce soir,

Me préfèrera t-il à ses ami(e)s, à ses délires, à sa destruction ...

Peut-être aujourd'hui comprendra t-il enfin ce qui est important ...

Mais plus les jours passaient, et moins cela semblait possible. 

 

L'amour n'est il pas partage, sollicitude, attentions...

L'amour n'est-il pas envie, désir, construction ?

 

Et un de ces soirs là ...en novembre je crois,

Elle a abandonné !

Elle a compris...

Que jamais...plus jamais, il ne serait là pour elle...

Qu'elle ne comptait plus...

Qu'elle n'avait plus sa place ...

Que tous ses mots n'étaient que prétextes illusoires.

 

Et qu'au fond il ne la désirait plus ...

Il ne la regardait plus...

Il avait réellement cessé de l’aimer...

  

Elle a pleuré, un peu ...

Parce que c'est triste !

Elle a même beaucoup pleuré...

Mais ça, vous savez ...elle l'a fait en silence ...

Parce qu’une voleuse ...ça ne pleure pas ...

Ca vole ....

De ses propres ailes ...

Même lorsqu'elles sont brûlées ....

 

La voleuse(3)

 

C’était une histoire qui n’en finissait plus de finir

Ou de commencer ?

Que pouvait-elle contre cette envie toujours violente et irrépressible qui la submergeait parfois ?

Et qui, d’un coup, anéantissait des jours et des jours de lutte,

De conscience, de recommencement.

Que pouvait-elle faire,

À ce moment précis où tout son être l’appelait, le cherchait, le sentait…

Quand le toucher devenait son unique priorité.

Le sentir comme la seule drogue envisageable, le seul remède..

Quand son corps réclamait son corps à lui...Brutalement.

Qu’il lui fallait à n’importe quel prix se retrouver là, contre lui,

 Peau contre peau, épousant ses formes, se lovant dans ses creux à lui…

Que pouvait-elle faire quand son instinct de femme sauvage se réveillait 

 et que plus que toute autre chose le sentir en elle devenait l’unique salut, l’unique trêve.

Non elle n'avait plus aucune certitude 

Peut-être  n’étaient-ils pas vraiment faits l’un pour l’autre...

D’ailleurs il avait repris sa route, celle où elle l’avait rencontré.

La même …comme si cette parenthèse n’avait jamais existé...

Comme s'ils avaient rêvé leur Histoire...

Enfin ....c'est ce qu'il laissait paraître.

Non elle n’avait peut-être pas sa place dans son univers.

Elle était d’Ailleurs...

Différente …disait-il... 

Non ils n’avaient apparemment plus  de lieux communs...

Et pourtant je vous jure qu’il n’existait  pas de moment  plus parfait

Que cette retrouvaille des corps, des peaux, du sommeil enlacé, partagé.

Je vous jure que là,

À  cet instant précis où ils se retrouvaient l’un contre l’autre …

Rien ne pouvait ternir cette paix.

Même si l’idée l’effleurait que ce n'était qu'un instant volé,

Même si le passé pouvait encore ressurgir comme une blessure

Là, à cet instant de grâce, elle oubliait tout.

Tout s’évanouissait devant ce bien-être des corps retrouvés …

Et son désir reprenait vie.

Comme si les autres gestes d’amour n’étaient que des simulacres...

Là son désir était profond, animal.

Elle se retenait pour ne pas aller trop loin ...

Pour ne pas se perdre.

Elle se sentait dévorée par l’excitation qu’il provoquait dans tout son être.

Elle avait envie de hurler …

Elle le voulait …

Et sa jouissance, retenue longtemps, n’était qu’une évidence,

Une logique retrouvée.

Là elle était à sa place, dans cet instant miraculeux du plaisir.

Elle était sienne …même s’il ne le savait pas vraiment.  

Non...Ses gestes à lui ne laissaient pas deviner s'il était en train de changer,

Comme il pouvait le laisser entendre  dans certains moments d’émotion, de confidence.

Elle n'aurait pas su dire s'il marchait  dans leur direction   ...

 

Mais croyez moi …une chose était sûre :

Etre Femme, elle ne le pouvait  qu’avec lui ….


07/12/2011
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The light house

The light house

 


 

 

Elle avait grandi là ...sur cette île sauvage, que les vents avaient déboisée …

Là..Seule avec son père ...
Un homme bourru, au visage brulé par le soleil, raviné par l'eau des pluies.
Un homme dur comme ce roc sur lequel il avait bâti sa maison de pierres, pierres arrachées une à une à cette terre hostile...
Un homme silencieux, dont  seul le regard  d'un bleu sombre pouvait encore donner l'illusion de quelque humanité ...


Ils étaient arrivés bien avant sa naissance , lui et cette femme qui lui avait donné le jour un triste soir d'orages.. Cette femme qu'elle n' avait point connue car lui donner la vie  avait ôté la sienne ....
Elle y était née ...là, dans cette lande aux herbes couchées...
Elle y avait appris à marcher, tant bien que mal..., s'égratignant les genoux sur les ronces...
Elle y avait appris a courir, au gré de ses envies, luttant souvent contre la force du vent .

Il lui avait quand même transmis un savoir, durement, année après année, le soir, avant de monter, devant la bougie qui vacillait..
Il tenait à ce qu'elle sache écrire et lire , et il s'y était employé, avec ses propres moyens, avec ses manières un peu rudes, un peu austères.
Il avait pris chaque soir le temps de lui enseigner les quelques rudiments du langage écrit , et , même si au début elle se rebiffait contre cet apprentissage pénible , elle découvrit assez tôt combien il avait eu raison !
La mère aimait ça la lecture ..Elle avait d'ailleurs laissé en héritage quelques livres usés, quelques manuscrits de sa plume même ..
Et Isabelle aimait ça aussi ..C'était une évidence ...
Et quand le père , le soir  , gravissait ces centaines de marches pour enfin allumer le brasier, et pour le surveiller durant ces longues heures de la nuit,elle , elle ouvrait ses trésors ....et lisait ...mot à mot, syllabe après syllabe jusqu'à comprendre le fil qui reliait ces lettres ...le ressentir, et enfin faire corps avec l'histoire qui prenait forme sous ses yeux .
De temps en temps elle portait l'ouvrage contre son visage , le sentait, s'imprégnait de l'odeur de ses pages comme pour en comprendre encore plus le sens, et l'origine .Comme  pour s'y perdre davantage . S'y fondre ...
Elle découvrait aussi cette personne inconnue qui l'avait portée dans son ventre ,Cette femme sensible et douce, et qui écrivait avec tant de délicatesse .Ses mots lui redonnait vie .La mère avait désormais des contours , une silhouette, un parfum ....Et , grâce à elle , Isabelle  apprenait la Vie ! cette vie qu'elle ne soupçonnait pas encore, perdue au milieu de nulle part , qu'elle n'aurait même jamais imaginée .Son esprit s'éveillait d'un long sommeil...seconde naissance . Et double reconnaissance envers cet homme et cette femme qui lui permettaient d'accéder au monde par ce biais là ...

Les nuits se ressemblaient toutes ...les mots qui dansaient sous la flamme, le hurlement du vent mêlé à celui des vagues déchainées .
Un soir pourtant, quand elle fut plus grande, il l'autorisa à grimper elle aussi ..
C'était si haut .
Il fallait de longues longues minutes avant d'atteindre le sommet .et de longues souffrances aussi pour ses petites jambes pourtant habituées à la marche .
Mais quel spectacle !

Là , tout en bas on distinguait tous ces énormes moutons blancs qui venaient lécher la pierre , et le bruit, bien qu'assourdi devenait  musique, symphonie .Quand la lune était pleine c'était un spectacle grandiose : la mer noire , à l'infini, et tous ces reflets ondoyants ....argentés..
Et le brasier , majestueux , comme un trône central,  crépitant de mille feux, donnait à l'atmosphère de cette pièce ronde un air mystérieux, irréel, comme dans ces contes fantasmagoriques  qu'elle ne se lassait pas de lire et relire .
C'était magique, quelque peu effrayant ...mais magique !
Elle monta plus souvent par la suite ..
Elle observait son père ..qui lui scrutait le sombre horizon avec cette longue vue qui lui venait de son propre  père . Une antiquité ! mais efficace  !
Il décelait très souvent , dans ce sombre marasme , les signaux de détresse alors qu'elle , elle ne voyait rien !
Il était attentif, précis, rapide dans ses réactions ..et utile dans ses choix .
Elle admirait le dévouement de cette vie , elle en ressentait toute la force et le courage .
et toute l'abnégation ..Un sacerdoce ..Rien de moins .

Une fois par mois il partait , le père , quand le temps, assez clément, le permettait .
Il embarquait sur son petit rafiot aux voiles rapiécées de ses mains .
Elle se demandait toujours comment de telles mains, si larges, si puissantes, pouvaient accomplir un travail aussi délicat ….
Par la suite c'est elle qui le fit ...
Il partait vers la terre ..Il rejoignait la côte ciselée , et le port, celui de son enfance , celui où il s'était forgé ...
Il partait au ravitaillement .
Lorsqu'elle était encore petite il ne s'absentait que deux jours, juste le temps d'un aller retour .
Il ne pouvait se permettre de laisser le phare éteint ..Et même s'il s'autorisait parfois à descendre une ou deux pintes avec ses vieux amis d'antan, cela ne le retenait jamais plus que de raison .C'était un homme de devoir , de conscience .
Plus tard, lorsque Isabelle eut appris tout ce qu'il fallait apprendre sur le fonctionnement et l'entretien du lieu sacré il se permit de rester un jour de plus .
En elle il avait confiance, c'était sa chair ! Et même si ce n'était qu'une femme en devenir ,elle avait bien plus de valeur à ses yeux que le plus accompli des marins du port .
Le port, son village, ses racines .
Il avait donné sa vie pour lui .
Il l'avait offerte sans sourciller, comprenant l'importance vitale de son geste .
A la mort du vieux gardien lui seul s'était proposé .Comme toujours dans l'urgence il avait fait le choix, le seul qu'il pouvait faire .Le temps était précieux on ne pouvait le perdre en discussions vaines ! seuls les actes étaient importants .Il le savait .Il l'assumait ..même si sa frêle épouse avait tenté de le dissuader , même si , il le voyait, les conséquences étaient et seraient irrévocables, définitives .Il fit le choix de s'exiler sur l'île, abandonnant derrière lui toute une vie ...
Oh ce n'est pas que sa vie fut  exceptionnelle, non ! Une vie de pêcheur, comme tous les hommes de cette terre .
Une vie de dangers, de longues errances en  mer ....
Une vie ..Avec ses retrouvailles sur le quai ..Oui ...sûrement les meilleurs moments , quand enfin il apercevait au loin toutes ces femmes emmitouflées , serrées les unes contre les autres, le regard perdu sur l'horizon , et les bambins comme des petites touches de couleur mouvantes...
Et quand , à quelques mètres d'accoster il la voyait elle, si différente, un peu à l'écart ...silhouette fragile contrastant avec les formes solides des autres épouses .

Oui ! sa vie reprenait un sens à ce moment là ...
Sa vie devenait l'évidence lorsqu' enfin il pouvait la serrer dans ses bras..oh pas trop fort, il avait toujours eu peur de la casser, de la blesser avec ses forces brutes, presque sauvages .

Elle si délicate, si éthérée .Elle , la plus belle , chacun en convenait  ! Avec ses cheveux d'un blond roux, irlandais disait-elle !( quelle ironie),  qu'elle nattait chaque matin . Et ses yeux, d'un mauve tendre, qui lui disaient tant de mots inconnus, mais qu'il comprenait ...Oui sa vie c'était elle ..sa femme , son aimée...
Une seule ombre ternissait quelquefois son bonheur ..Elle ne lui avait pas donné de fils..Pas encore ..
Pourtant ..Ils s'aimaient depuis bientôt dix ans . Et ils ne se lassaient pas de se retrouver , corps à corps..mêlant leurs peaux avec toujours le même ravissement , la même fougue .
Elle avait su lui apprendre à aimer . Lui , l'animal , lui , pour qui l'amour ne se résumait qu'en quelques coups de reins égoïstes , juste pour soulager son trop plein d'énergie ..
Elle avait su maitriser la force par sa douceur, par ce regard limpide, et doucement l'avait amené sur le terrain inconnu du plaisir partagé .
Elle était devenue son île ....son île , son havre ..sa paix .
Et le reste pour lui avait eu  beaucoup moins d'importance ..Il ne passait pas ses soirées au pub, comme la plupart de ses compères, lorsqu'il était à terre ..non ..Pas souvent ...
Il préférait être prés d'elle, la regardant penchée sur ses pages, une plume à la main ...Il l'écoutait aussi lorsqu'elle se mettait au piano, le soir, ses cheveux défaits , suivant le mouvement de son corps animé par les notes qu'elle faisait naitre ...C'était toujours mélancolique..C'était toujours ...beau ! même pour un homme comme lui .
Elle chantait aussi quelquefois..doucement , comme pour elle-même ..toujours le même air ..
"elle était belle comme le jour....
mais bien trop belle pour un troubadour ."
Toujours ce même air ....Il comprenait bien pourquoi ces paroles la hantaient ...C'était leur victoire ..leur secret .Leur récompense ...

Non sa vie n'était pas exceptionnelle ! mais il ne l'aurait échangée contre aucune autre ...

C'est pourquoi ce jour là, lorsqu'il eut décidé de tout quitter pour aller vivre sur l'île, il n'eut pas peur .
Elle serait là, avec lui ..Et il était prêt à tout supporter, à tout endurer , à tout sacrifier...
Elle serait là, avec lui ..Toujours...
Et cela suffisait et suffirait à son bonheur .


Isabelle, durant l'absence du père , avait une multitude de tâches à accomplir ..Elle n'avait pas le loisir de laisser vagabonder sa pensée comme elle le faisait si souvent lorsqu'elle savait qu'il était là ...
Elle descendait à l'aube, après avoir passé la nuit dans un demi-sommeil à surveiller les flammes qui ne devaient pas faiblir .Son père avait pris soin de monter suffisamment de buches, de cela elle ne s'inquiétait pas ..Ces nuits solitaires ne lui faisaient pas peur : depuis l'enfance elle vivait avec la nature, elle en connaissait tous les éléments, elle savait les apprivoiser. La mer, aussi féroce qu'elle pût devenir ,  l'apaisait . Ce n'était  pas qu'un bruit violent mais une musique qui l'accompagnait depuis toujours .Ce n'était pas qu' une étendue d'eau mais un horizon vivant et changeant , jamais le même , toujours en mouvement. Elle aimait sa place ....
Sa seule crainte était d'apercevoir une embarcation  en péril , un naufrage ...Là elle se serait sentie bien petite ...Mais c'était chose rare ....L'île n'était pas très éloignée de la côte et les pêcheurs savaient bien que par soir de tempête il ne devaient pas s'en approcher, de peur d'être entrainés contre les rochers, et de voir leurs bateaux s'y  fracasser ,  pauvres pantins entre les mains assassines de vents contre lesquels personne ne pouvait lutter . Le phare était là pour les rassurer .Ils n'étaient plus loin ..mais aussi pour les prévenir du danger ...Surtout !
Son père lui avait raconté maintes fois les tristes histoires qui se perpétraient depuis des générations .Ces histoires de deuil collectif, de larmes, de courage aussi !
Ces familles amputées , ces femmes sans mari, ses mères sans fils ,  enfants orphelins  ..Et la peur qui régnait , omniprésente...
Tous ces drames qui les avaient incités, eux les gars du village à construire le phare .
C'était bien une cinquantaine  d'années avant que son père reprenne la place du vieux gardien .
Ils avaient construits de leurs mains le plus haut de tous , la rage au ventre, décidant de se venger de la nature qui leur avait volé tant de vies ....
Et c'est vrai qu'il était haut ! C'était leur fierté ! De très loin on apercevait sa lumière  .Et  le sort des pêcheurs avait commencé  à changer .
La roue tournait ! Ils partaient avec moins de craintes, revenaient avec assurance...
Oui,  la vie reprenait ses droits ...Et le rire sa place dans les foyers ...
De tout cela,  Isabelle avait conscience . Elle comprenait de tout son être pourquoi son père n'avait pas hésité un instant à reprendre la place du vieux gardien .
Il avait déjà un âge mûr , un âge où l'homme se connait, connait ses limites et ses forces . Il avait acquis suffisamment de confiance en lui, il était en paix, il avait tout ce que la vie pouvait offrir . Il faut dire qu' il avait vécu ...même ailleurs...loin  de ce pays cruel .Il avait bourlingué, longtemps, avant de revenir au pays avec sa ravissante et jeune épousée ...
Les autres , plus jeunes , ne se seraient jamais résolus à vivre là, loin de tout ..Lui le pouvait .
Oui ...elle le comprenait . Et elle l'aimait davantage même, depuis qu'elle ressentait les choses ..aussi bien .
Comme si elle pouvait lire dans les âmes ...

 

(à suivre ...)

 


07/12/2011
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